Article publié dans Concours pluripro, mars 2023

On le sait bien, la promotion des "soins primaires" a été entreprise dans l'ensemble des pays développés voilà près de vingt années. À l'origine, on retrouve un certain essoufflement de la médecine de spécialités, dont les plateaux techniques de plus en plus performants, associés aux innovations thérapeutiques continues, avaient dominé les années 1960 à 1980 et conduit à une désaffection progressive de la médecine générale. Puis cet essoufflement, combiné à une demande souvent confuse des malades pour échapper à des prises en charge trop segmentées, avait rouvert une voie pour la synthèse et la globalité du suivi médical. Là-dessus, le vieillissement des populations, observé tout au long des années 1990 dans ces mêmes pays développés, puis l'alerte sonnée par l'OMS dès 1995 annonçant "le défi des maladies chroniques" se sont traduits par cet avènement des soins primaires. Et depuis le début des années 2000, les soins primaires sont devenus l'alpha et l'oméga des politiques de santé promues dans l'ensemble du monde développé, depuis l'Australie jusqu'aux pays scandinaves en passant par l'Europe et l'Amérique du Nord. Politiques promues et mises en oeuvre – souvent via des initiatives de professionnels du terrain confrontés aux réalités quotidiennes – mais quelquefois restées expérimentales sinon marginales et trop souvent délicates à reproduire ou généraliser.

 

Déplacer le centre de gravité

Dans le cas particulier de la France, on peut s'arrêter sur les termes "soins primaires", vocable traduit de l'anglo-américain, usité depuis le milieu des années 1990, encore souvent mal compris et qui, par-là, suscite toujours des interrogations. Cette notion de primary care (traduite mécaniquement en "soins primaires") avait été promue par la pédiatre américaine Barbara Starfield. Elle correspond à une prise en charge en réponse à une demande initiale du patient (first contact). L'évolution a conduit les soins primaires à une prise en charge globale du patient, attentive à la synthèse de l'ensemble de ses besoins de santé et à leur suivi. Plus récemment s'y sont adjointes la continuité et la coordination des soins rendues nécessaires par la multiplicité des intervenants autour de malades vieillissants, chronicisés ou polypathologiques. On parle aussi de "premier recours" ; également de soins "de proximité" ; la multiplication des termes (du jargon ?) pouvant conduire à des incompréhensions…

En réalité, la priorité affichée pour les soins primaires implique que le centre de gravité du système de soin se déplace de l'hôpital vers l'ambulatoire et que les divers professionnels de santé exerçant "en ville" se regroupent, s'organisent et se coordonnent jusqu'à constituer des équipes pluriprofessionnelles, alors que l'exercice individuel sinon isolé constitue jusqu'alors leur credo.

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