Véronique Bacle est infirmière enseignante à l’institut de santé au travail du nord de la France (ISTNF).

Article publié dans Concours pluripro, janvier 2023

Quelle est votre mission en tant que médecin du travail dans le cadre du maintien en emploi ?

Marie-Aude Gudin de Vallerin
Marie-Aude Gudin
de Vallerin,
médecin du travail

Notre rôle est primordial, dans la mesure où le médecin du travail est le professionnel de santé qui a accès et expertise aussi bien au niveau de l’état de santé du salarié que de son poste de travail, ainsi que la connaissance de l’entreprise. Il a la particularité de pouvoir intervenir, ainsi que son équipe, avant l’arrêt de travail (prévention primaire) mais aussi pendant l’arrêt (prévention tertiaire), et lors de la reprise. Le secret médical assure au salarié la confidentialité de l’ensemble des échanges.

 

La loi du 2 août 2021 a institué les cellules de prévention de la désinsertion professionnelle : avancée, opportunité ?

Les professionnels de santé au travail ont toujours fait de la prévention sur ce sujet, c’est leur coeur de métier ! Cependant, ces cellules de prévention vont donner un peu plus de lisibilité à nos actions, c’est une voie d’entrée unique pour nos adhérents (salariés ou employeurs), mais qui ne peut se substituer aux actions des équipes sur le terrain, ainsi que celles de nos partenaires. Cela tend vers une harmonisation des pratiques des services de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI), et donc ce sera l’opportunité de se concerter pour des actions/outils communs et la mise en place d’indicateurs.

 

Qu’est-ce qui va changer ?

Beaucoup d’actions et de pratiques sont déjà en place dans les SPSTI, que ce soit en interne (au sein des équipes, entre les équipes et avec les fonctions support-experts : pôle social-ergonomes-psychologues) ou avec le partenariat externe (Carsat, MDPH, service médical de l’Assurance maladie, Cap emploi). La loi permet toutefois d’asseoir la légitimité des actions, d’harmoniser les pratiques au sein et entre les différents SPSTI avec un cadre commun. La déclinaison concrète de ce cadre commun est donnée également par le 4e Plan régional de santé au travail (PRST4) et l’animation du réseau que nous avons monté avec l’Institut de santé au travail du nord de la France. Le PRST4 fixe la "feuille de route" en matière de santé au travail pour la période 2021-2025. Il est décliné sur l’ensemble du territoire via des plans régionaux. L’un de ses quatre axes stratégiques est "de structurer et développer la prévention de la désinsertion professionnelle, la prévention de l’usure, le maintien dans l’emploi et accompagner les salariés et les entreprises concernées". Du côté des adhérents et des partenaires, c’est aussi l’occasion de communiquer des coordonnées uniques pour nous contacter, même si pour les situations individuelles, la cellule restera essentiellement en support des équipes de proximité (médecins, infirmières, assistantes de service de santé au travail).

Chaque visite d’information et de prévention est l’occasion, pour le médecin ou l’infirmière qui reçoit le salarié, de faire le point sur sa situation particulière, de repérer les difficultés, de prévenir un problème potentiel. Les visites de mi-carrière sont prévues pour renforcer cela. Elles viennent d’être instituées, il faudra pouvoir évaluer leur impact sur la prévention.

 

Comment concevez-vous la pluridisciplinarité pour cette mission ?

Elle est primordiale ! La coordination et la complémentarité sont les maîtres-mots de la prévention de la désinsertion professionnelle. Cette approche plurielle intervient comme suite logique des lois de 2002 (pluridisciplinarité comme approche globale) et 2011 (constitution des équipes pluridisciplinaires). Nous avons donc du recul sur son intérêt. La loi de 2021 met l’accent sur les publics en situation de handicap et vulnérables. La société se veut plus inclusive, le vieillissement est un sujet d’actualité, que ce soit au travail, avec le recul de l’âge de la retraite, ou dans la prise en charge de nos aînés. La mise en place des cellules de prévention de la désinsertion professionnelle combine ces deux points. Elles vont permettre de faire de la veille sanitaire et de l’alerte, d’orienter la prévention sur les conditions de travail, notamment dans certains secteurs ou certains métiers, ce qui sera in fine bénéfique à tous les salariés.

 

Plus concrètement ?

Je n’ai pas d’exemple précis en tête, mais j’ai connu de nombreuses situations pour lesquelles la pluridisciplinarité, que ce soit en termes d’expertise (solutions techniques proposées par des ergonomes, regard et accompagnement du psychologue ou de l’assistante de service social, qui lèvent des freins...) ou d’échanges, a été une plus-value dans le maintien en emploi du salarié. L’importance du regard croisé et le fait que le salarié, qui est au centre du dispositif, n’entendra, ne comprendra pas et n’attendra pas les mêmes choses selon le professionnel auquel il s’adresse justifie à lui seul cette pluridisciplinarité. Sans celle-ci, ces différentes approches sont souvent source de confusion.

Si nous, professionnels, sommes coordonnés, alors nous aurons de puissants leviers pour une démarche globale de prévention et un maintien en emploi de la personne.

PDP

La cellule de prévention de la désinsertion professionnelle

La cellule de prévention de la désinsertion professionnelle (PDP) permet de mobiliser, grâce à un réseau de professionnels, un ensemble de mesures (avant, pendant, ou après un arrêt de travail) pour favoriser le reclassement des salariés confrontés à un risque d’inaptitude à leur poste de travail, et éviter le licenciement, chaque fois que cela est possible. Pluridisciplinaire, cette cellule doit comporter a minima un médecin du travail, une infirmière en santé au travail, un psychologue du travail, une technicienne maintien en emploi, un ergonome et une assistante sociale. En fonction des demandes, la cellule active son réseau de partenaires.

Qui la sollicite ? Le médecin du travail, s’il note une problématique complexe de risque de désinsertion professionnelle lui paraissant relever d’une approche pluridisciplinaire. Chaque référent métier peut aussi solliciter lui-même la cellule PDP s’il estime qu’une demande est complexe et nécessite une approche multicompétences.

Comment cela se déroule ? Le salarié est convoqué et reçu par l’assistante sociale, qui va réaliser un bilan de sa situation (sociale, motivation…) et donner des premières pistes d’orientation. En parallèle, un recueil de données est réalisé par les différents membres et référents métiers de la cellule PDP, en lien avec le médecin du travail, parmi lesquelles la motivation de l’employeur pour maintenir son salarié dans l’entreprise et le contexte de l’entreprise.

À l’issue de ces entretiens, un mail de propositions d’actions est adressé au médecin du travail en charge de la situation, qui donne son avis sur les propositions de la cellule PDP avant action. En fonction des salariés et des solutions proposées et envisagées, un suivi qualitatif par téléphone est réalisé, six à douze mois après l’intervention et/ou l’orientation.

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