Article publié dans Concours pluripro, septembre 2025
Dans les débats et controverses qui traversent la fabrication des contrats locaux de santé (CLS) et les relations entre ARS et collectivités territoriales se joue une tension entre deux niveaux d'action publique. D'une part, un CLS conçu souvent a priori par l'ARS, selon une logique "top down", comme une "simple" déclinaison locale du plan stratégique régional de santé (PSRS) ; d'autre part, un CLS à dimension plus participative et de type "bottom-up", porteur de solutions ajustées au plus près des problématiques sanitaires du territoire et de ses populations. Encastré, du fait de l'engagement des acteurs locaux, dans des politiques transversales, le CLS est alors conçu comme un instrument de démocratie sanitaire et de coordination entre acteurs locaux de santé.
Notre recherche*, menée à partir d'une analyse comparée de sept CLS signés et deux cas très contrastés, montre que cette procédure contractuelle, au caractère peu formalisé a priori, comporte une grande part d'indétermination quant à sa territorialisation, sa trajectoire et son aboutissement : la signature d'un contrat négocié assurant l'articulation entre politiques régionales et locales de santé est censée lutter contre les cloisonnements intersectoriels du système sanitaire et les inégalités sociales et territoriales de santé. Cette politique contractuelle de "petits pas" tient en partie au "flou" initial de la procédure permettant des arrangements diversifiés selon les configurations locales. Elle tient aussi à un mode de pilotage ressenti par les élus locaux comme trop (re)centralisé par l'État territorial et aux incertitudes du financement des actions. Si les effets propres des territoires, dans leur dimension géographique, mais aussi comme construction sociale, historique, économique et politique (Di Méo, 1998) sont ignorés ou négligés par l'ARS, ils constituent des noeuds de résistance aux négociations (Halpern, et al., 2014). Enfin, pour les élus et professionnels locaux de la santé, du social et du médico-social, le CLS apparaît alternativement comme une opportunité de faire valoir une légitimité politique, des expertises, de pérenniser des emplois et d'améliorer l'attractivité des structures hospitalières, mais aussi comme un risque de mise en concurrence accrue des opérateurs de proximité au nom des principes d'efficience, de réduction des coûts et de mutualisation des moyens.