En dépit des conditions climatiques chaotiques, de nombreux professionnels (médecins, infirmières, gestionnaires de centres…) se sont donné rendez-vous à l’Asiem (Paris 7e)  afin d’assister au 63ᵉ congrès des centres de santé qui se déroule le 10 et 11 octobre. Intitulé "les centres de santé, (r)évolution permanente", cette édition a débuté avec une table ronde qui a permis de réunir tous les acteurs, des professionnels de santé à l’usager en passant par l’Assurance maladie et les élus, afin d’aborder "la défense de l’accès aux soins des usagers grâce à l’alliance des services publics de santé".  

"Le système de santé est supposé servir à l’usager, mais aujourd’hui, l’usager rencontre de plus en plus de difficultés à accéder aux soins", a déclaré Sidi Mohammed Ghadi, vice-président de France Assos Santé Ile-de-France, au début de la conférence. "Pour moi, il est important de travailler sur la notion de service public de proximité, car il permet de garantir les fondements du service public (égalité, adaptation et continuité). La stratification des soins créée des zones de non-accès aux soins." Pour le vice-président de France Assos Santé Ile-de-France, "nous sommes actuellement dans une révolution" et le mot "alliance est d’une importance capitale" car il doit permettre de "penser différemment le système avec les usagers"
 

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Comme le précise Marc Bourquin, conseiller stratégie, parcours, proximité, autonomie et territoire auprès de la délégation générale de la FHF, "tout le monde est favorable au décloisonnement, mais une question demeure, comment y arriver ?" Au-delà d’une réforme systémique (Ondam, relation entre les acteurs de la santé…), il plaide en faveur de "l’interconnaissance entre les acteurs" qui permettrait de "faire tomber les barrières" et "avancer concrètement sur "irritants du quotidien" comme les sorties d’hospitalisation, les urgences… et des sujets plus fondamentaux comme l’accès aux soins" avec des démarches de prévention.

"Si nous voulons embarquer les acteurs de santé et la population, il faut avancer, avec les pouvoirs publics, sur certaines difficultés particulières identifiées par les acteurs du territoire (maladie cardiaque, pulmonaire, diabète…)." Pour Marc Bourquin la seule façon d’avancer sur ces points ne peut se faire qu’en "développant toutes les possibilités de travail en commun et d’exercice mixte". Pour répondre à tout cela, les hôpitaux de proximité sont un véritable "outil" qui permettent notamment "d’organiser la gradation des soins hospitaliers" et surtout, de travailler avec tous les acteurs du territoire, particulièrement les professionnels de ville, grâce à une convention. "Cela embarque les CPTS lorsqu’il y en a, les maisons de santé mais aussi les centres de santé, et de porter des projets pour la population."
 

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De son côté, Hélène Colombani, présidente de la Fédération nationale des centres de santé (FNCS) dénonce un système, qui dans son "organisation actuelle", serait "à l’abandon". "À un moment, il va falloir renverser la table. Nous avons un système ambulatoire avec des effecteurs de soins satellisés et sans organisation. L’idée serait de développer un réseau organisé de centres de santé publics, répartis sur l’ensemble du territoire pour lutter contre les inégalités d’accès aux soins", indique-t-elle. "Il devrait être organisé en pôles territoriaux dans lesquels chaque centre serait rattaché à une zone géographique précise. Cela devrait s’articuler comme l’a précisé Marc Bourquin, c’est-à-dire avec un hôpital et une graduation des soins."

Hélène Colombani rappelle que de plus en plus de professionnels aspirent au salariat et qu’il devient donc nécessaire de leur offrir "un lieu d’exercice structuré où ils pourront s’épanouir professionnellement. Au lieu de parler de coercition à l’installation, créons des lieux pensés qui offrent une qualité d’exercice. Il faudra s’appuyer sur les usagers pour co-construire le cahier des charges." Dans ce cadre, il est cependant impératif de changer de mode de rémunération. "Le paiement à l’acte ne peut pas être le mode principal de financement, cela n’est pas adapté aux soins primaires. Il faut également se tourner vers l’équipe traitante et non pas seulement le médecin traitant."

Comme la présidente du FNCS le rappelle, "cela fait plusieurs années que nous appelons à nous tourner vers le pluripro, mais nous ne sentons aucune volonté politique derrière. Nous ne sommes pas en compétition avec les libéraux mais nous en avons assez de subir les règles du jeu."  
 

"L’illégitimité des maires a disparu"

Frédéric Chéreau, maire de Douai et co-président de la commission santé de l’Association des Maires de France (AMF), a apporté un éclairage sur la situation de ces confrères et leur mise sous pression par leurs administrés quant à l’accès aux soins. "Les maires ont ce qu’on appelle la clause de compétences générales. Lorsqu’une personne renonce à se soigner, les maires sont obligés de s’emparer et de s’occuper du sujet de l’accès aux soins."

Pour lui, "le sentiment d’illégitimité des maires à s’occuper de la santé a aujourd’hui complétement disparu et nous sommes déterminés à nous impliquer sur ce sujet, car nous avons l’impression que la promesse républicaine n’est plus tenue." Pour le maire de Douai, lorsque "le premier recours ne tient plus, l’hôpital se transforme en numéro 15 au rugby, soit celui qui récupère tous les ballons car il n’y a plus personne derrière. Nous avons donc intérêt à ce que le premier recours fonctionne." Selon Frédéric Chéreau, il faut laisser les jeunes médecins aller vers des modes d’exercice qui "ont profondément du sens, comme le salariat ou l’exercice mixte".

Même constat pour Antoine Pelissolo, psychiatre à Henri Mondor et secrétaire national du Parti Socialiste. "Il faut trouver un système qui fasse de la santé et du public, avec une vision globale et une coordination qui facilite l’accès aux soins. L’aménagement du territoire est un enjeu majeur pour le pays et pour cela il faut redonner de l’attractivité auprès des jeunes et cela passe par un système de santé de proximité. Il faut une intervention forte de l’Etat." 
 

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