En secteur ambulatoire*, l’époque est au regroupement des professionnels de santé. Regroupement de plus en plus souvent pluriprofessionnel au sein d’un même lieu ou de manière plus « virtuelle » en convenant d’un périmètre d’exercice commun et partagé. Divers facteurs y contribuent puissamment. Pourtant, d’autres facteurs, explicités ou non, perpétuent les freins à ces regroupements. Et la survenue « d’expériences malheureuses » souvent anecdotiques mais volontiers répandues par le bouche-à-oreille, contribue à raviver la méfiance ambiante et renforcer le parti des inévitables opposants.

Dans ces conditions, une des options est, dès la formation initiale, de développer l’« interprofessionnalité  ». Le cadre en est défini chez nous par des dispositions européennes, initiées voilà déjà deux décennies et ouvrant à une « universitarisation » de la formation initiale des professions de santé(1). L’ambitieux volet formation de « Ma santé 2022 » en a donné l’impulsion décisive… même si la suppression du numerus clausus – sorte de faux-nez – a mobilisé l’attention générale.

Des sources à exploiter

À peu de choses près, l’Amérique du Nord est confrontée à la même situation avec, cependant, une antériorité de quelques années. C’est ce qui apparaît en lisant les documents accessibles sur le site du National Center for Interprofessionnal Practice and Education. Organisme d’essence mixte universitaire et professionnelle, doté de financements publics et privés, il a été constitué en 2012 avec mission de promouvoir la formation et la pratique interprofessionnelle au bénéfice des patients. Une contribution de sa directrice précise le long cheminement qui a conduit à l’interprofessionnalité. Une analyse résume les résistances rencontrées : structuration en « silo » de chaque profession, tropisme dominant vers la surspécialisation, conflits de périmètre de compétences, médiocre intérêt pour l’analyse des processus de soins, absence de preuves d’une efficacité de l’interprofessionnalité, inexistence d’incitatifs professionnels ou financiers. Des résistances aujourd’hui dépassées ou en voie de l’être. Une étape déterminante semble avoir été l’émergence et la pertinence des « décisions partagées » en équipe pluripro, ce qui correspond peu ou prou aux réunions de concertation pluridisciplinaire initiées en France au début des années 2000 à la suite du 1er Plan cancer et largement diversifiées depuis…

Surtout, les ressources disponibles sur le site identifient les compétences essentielles pour une pratique en équipe pluripro. Celles-ci constituent quatre « domaines » qui se recoupent d’ailleurs partiellement. Force est de reconnaître qu’elles ne représentent pas un lourd corpus théorique et s’accommodent bien d’une formation pratique, de « terrain ». Ce qui est heureux. Ces quatre domaines incluent les valeurs et l’éthique qui régissent l’exercice en interprofessionnalité (incluant la primauté du patient) ; une connaissance partagée du rôle, des limites et responsabilités de chaque composante de l’équipe ; la maîtrise des conditions et des technologies pour une communication efficace ; enfin, les attributs du travail en équipe ; en particulier le leadership, la résolution des conflits et l’intégration des compétences propres à une compétence globale. Il n’y a plus qu’à faire …  

1. Dont les quatre professions médicales et les quinze autres professions improprement appelées « auxiliaires médicaux » ou paramédicales.

*Au sein des établissements hospitaliers, publics ou privés, la constitution d’équipe est une réalité ancienne, immémoriale. Pour autant, une pratique en équipe harmonieuse y est quelquefois irrégulière. Les difficultés de mise en œuvre d’une check-list au bloc opératoire en est un exemple récent

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