L’appel à projets « DPC professionnel en appui de l’exercice coordonné en santé », lancé en juillet 2019 par l’Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC), sur saisine du ministère de la Santé, semble être un signal fort. « Il y a 20-30 % de pluriprofessionnel qui commence à se développer sur un certain nombre de thématiques. Mais ces actions sont conçues pour une profession ou une spécialité, et l’organisme décide de les ouvrir à d’autres. Ce qui n’existe pas aujourd’hui, c’est du DPC interpro qui fasse travailler des compétences de coordination et l’organisation d’un parcours coordonné de santé. Notre volontarisme sur ces questions s’est traduit par cet appel à projets qui s’adresse à des équipes constituées DPC interpro : six organismes se lancent
et appelées à travailler ensemble, de façon à développer des actions en appui du déploiement des CPTS »
, indique Michèle Lenoir-Salfati, directrice de l’ANDPC, qui a fait l’objet d’un rapport critique de la Cour des comptes.

Sur les 3 200 organismes de DPC enregistrés, 82 ont candidaté. « Il n’y en avait qu’une cinquantaine qui répondaient aux critères formels et, in fine, nous n’avons retenu que six organismes en première intention, habilités à démarrer avec nous la conception d’actions interpro. C’est très significatif de la difficulté des organismes à concevoir ces ingénieries de coordination des soins. Tous les organismes très récents n’ont pas passé la barre. Souvent, ils ont proposé des actions très classiques mais sans travailler les compétences de coordination et une méthode pédagogique adaptée, précise-t-elle. Notre objectif est de faire le lien entre les acteurs locaux (ARS, URPS, coordonnateurs de CPTS) et ces organismes afin de remonter les besoins et que soient proposées des offres de formation presque sur mesure. La priorité, c’est de travailler au plus près des territoires ! Nous voulons que le DPC soit l’un des éléments qui permette la transformation des pratiques dans les territoires. »

Coordination, proximité et parcours patient

Le pôle de formation Evolutis DPC, adossé à la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), fait partie des organismes sélectionnés qui seront subventionnés (7 500 euros par action retenue, dans la limite de dix actions). « Les projets sont axés sur la coordination, les soins de proximité et l’amélioration du parcours du patient en intégrant le patient au cœur du dispositif », indique Julie Caron, sa directrice scientifique. Si le programme de ces deux jours de formation est assez classique (recueil des attentes, plénière, ateliers sur les points règlementaires, synthèse), il est aussi prévu des groupes d’échanges en équipes de soins primaires, avec la présence d’experts de différentes professions. Un médecin référent de ce groupe (de 10 à 30 personnes) étant chargé, en amont, de recueillir des cas qui ont pu poser problème et d’en faire la synthèse. « Par la connaissance du terrain qu’on peut avoir, on pourra toucher les professionnels que l’on connaît (adhérents, sympathisants), déjà impliqués dans des projets de CPTS », précise Julie Caron, qui prévient que le processus sera long.

Le Dr Éric Bouchard, à la tête de l’organisme VFL Formation, lui aussi sélectionné dans le cadre de cet appel à projets, a présenté un projet autour de la coordination de la prise en charge du patient atteint de BPCO en ambulatoire ou en sortie d’hospitalisation. Ces formations auront lieu sur les territoires (une soirée par mois pendant trois à huit mois). « Nous allons mettre en place des cercles de qualité, pour travailler sur des dossiers réels et les points de blocage et problèmes auxquels les professionnels ont été confrontés. C’est le groupe qui est expert et qui va devoir aller chercher les référentiels », indique-t-il. Un administrateur (pris en charge par la structure) sera présent pour équilibrer le groupe.

Alors que l’appel à projets est pluriannuel et se déploiera sur trois ans, d’autres organismes candidats devraient être sélectionnés dans les mois à venir. C’est ce qu’espère Form’AVEC, l’organisme de formation d’AVECsanté, qui propose un premier cycle de formation pluriprofessionnelle sur les soins non programmés et les organisations territoriales, et sur l’accompagnement en équipe de certaines pathologies. « La particularité, c’est que ces formations sont conçues et développées sur le terrain par une équipe pluriprofessionnelle dont la composition est fonction du thème abordé, précise Brigitte Bouzige, sa responsable. L’état d’esprit pluriprofessionnel, c’est notre ADN. »

Et les patients, qu’attendent-ils de ces formations pluriprofessionnelles ? Gérard Raymond, président de France Assos Santé, convaincu de la nécessité de déployer rapidement ces formations, souhaite qu’une autre dimension y soit intégrée : « Il faut que les professionnels soient formés à mieux comprendre les attentes et les besoins des patients. Qu’ils apprennent que leurs métiers sont d’abord des métiers d’écoute, de bienveillance et d’accompagnement. On a, en face, une personne qui souffre, et pas un diabète, un cancer, un asthme… » Il lance donc un appel tacite : « Il serait intéressant que ceux qui conçoivent les programmes de formation nous sollicitent. »  

L’ANDPC face aux critiques de la Cour des comptes

Un dispositif « flou » , un encadrement « inefficace » , des contrôles « lacunaires » … La Cour des comptes a adressé en avril dernier un référé à Agnès Buzyn sur l’ANDPC. Michèle Lenoir-Salfati, sa directrice, répond aux critiques : « Depuis 2017, l’ANDPC a mis en œuvre une politique de contrôle renforcé chaque année. Aujourd’hui, nous avons 3 200 organismes et 20 000 actions par an. Le contrôle est donc complexe. Mais on ne peut plus dire que les financements sont “généreusement distribués et sans contrôle”. Ils l’ont été, clairement. À mon arrivée en juillet 2016, j’avais noté que 11 millions d’euros avaient financé des actions autour de prises en charge thérapeutiques non conventionnelles (Pilates, massage thaïlandais…). C’est quelque chose que j’ai arrêté tout de suite. Aujourd’hui, nous avons mis en place quatre niveaux d’action : contrôle systématique des actions de DPC avant publication et vérification de la conformité avec les orientations prioritaires ; contrôle de leur qualité pédagogique et scientifique par des commissions scientifiques indépendantes ; dispositif ouvert aux professionnels pour signaler tout dysfonctionnement, fraude ou discours déviant ; plus grand pouvoir de contrôle de l’agence. Pour la formation interpro, une commission a été mise en place, associant des professionnels des commissions scientifiques indépendantes (CSI) et des ARS. Aucune action n’est publiée avant le passage devant cette commission qui juge de la conformité avec les orientations prioritaires, de l’intérêt pédagogique et scientifique et de l’intérêt de l’action au regard des logiques territoriales. » 

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