350 millions d’euros par an, soit plus de 1,5 milliard d’euros sur 5 ans. C’est ce que révèle l’enquête "Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) : des investissements en milliards pour qui, pourquoi, pour quels résultats ?", publiée ce mercredi par le syndicat de médecins libéraux, l’Union Française pour une médecine libre (UFMLS). "Aujourd'hui, il est essentiel d’évaluer ces structures et d'identifier les possibles pistes d’amélioration des pratiques. À défaut, il faudra admettre l’inefficacité des CPTS, en réduire la portée et le financement pour, à terme, y mettre fin", précise le rapport qui a étudié le financement de chaque CPTS, "territoire par territoire". Un "pognon de dingues", assure-t-il. 

"Bureaucratie lourde" entraînant une "superposition de commissions qui ajoute des couches de complexité administrative", "perte de temps" du fait de "réunions fréquentes et de processus administratifs qui ralentissent la prise de décisions, l'efficacité opérationnelle et qui réduisent le temps de soins et de formations", "fragmentation des responsabilités dû à la multiplicité des commissions"... Le syndicat dénonce les difficultés structurelles des CPTS mais aussi la "difficulté d'accès" aux soins spécialisés de 2e et 3e recours et une "recherche des interlocuteurs adéquats difficile en raison d’organisations variables et évolutives"

 

 

L’enquête d’une vingtaine de pages, réalisée par le syndicat de médecins libéraux, connu pour être un opposant de longue date aux CPTS qu’il considère comme "une chimère qui achèvera la médecine libérale", se base sur les chiffres de la Cnam et ceux relevés auprès de la Fédération nationale des CPTS (FCPTS) réparties sur l’ensemble de l’Hexagone.  

D’abord les chiffres : 624 contrats ACI-CPTS signés au 30 septembre 2024, affirme-t-il, dont 116 sur l’année en cours. Soit une légère baisse par rapport aux années précédentes (136 en 2021, 171 en 2022 et 126 en 2023). Au total, 121 millions d’euros d’ACI auraient été versés pour 508 CPTS au 31 décembre 2023, estime l’UFMLS.  

 

Quel coût "réel" pour la nation ?  

En partant d’une "évaluation fine des coûts par département puis rapportés à la France par an et pour 5 ans", avec une projection à 1.000 CPTS, le syndicat rappelle que trois niveaux de coûts ont été déterminés par CPTS et en fonction de leur taille : 50.000 euros de frais de fonctionnement pour une CPTS de taille 1 ; 60.000 euros pour une taille 2 ; 75.000 pour une taille 3 et 90.000 pour une taille 4. À cette enveloppe s’ajoutent la part fixe des objectifs socles et la part variable.  

L’UFMLS affirme ainsi que le coût annuel global des CPTS pour les frais de fonctionnement seuls s’élève à 55.415.000 euros, sans compter les parts fixes et variables, que le coût moyen par CPTS s’établit à 63.331 euros, et que le coût par habitant est de 0.82 euros.  

Des frais de fonctionnement qui varient fortement en fonction des territoires, "en particulier rapportés au nombre d’habitants allant d’un rapport de 1 à 5 sur le territoire national et de 1 à 10 considérant les Dom-Tom", note le syndicat :  

Source : UFMLS

Pour le syndicat, "les coûts explosent en raison des frais de fonctionnement et du volet variable dans les régions au sein desquelles les CPTS sont plus nombreuses et de petites tailles. Par exemple, Paris a 16 CPTS pour un coût global annuel maximal de 7 646 400 € avec une moyenne de 135.000 habitants/CPTS, soit un coût maximal/habitant de 3.54 €. Et le département du Rhône a un coût global annuel maximal de 1 151 846 € avec une moyenne 6.700 habitants/CPTS soit un coût maximal/habitant de 6.14 € en raison de 28 CPTS", note l’étude. L’UFMLS estime que le coût des CPTS de petites tailles "dont les frais de fonctionnement ne sont pas corrélés proportionnellement mais par forfait aux nombres d’habitants couverts" est "une aberration manifeste"

 

 

Plus de 1.7 milliard d’euros, c’est ce que représenterait les frais de fonctionnement (avec la part variable) des 875 CPTS sur le territoire. Des dépenses qui vont augmenter "en raison de la volonté présidentielle d’atteindre 1000 CPTS, pour lesquelles l’investissement avoisinerait près de 2 milliards en 5 ans". "Un tel investissement est-il pertinent et justifiable", questionne le syndicat. 

 

Suradministration

Dénonçant les montants "colossaux" accordés à ces organisations territoriales pour remplir leur mission socle d’amélioration de l’accès aux soins, le syndicat dévoile ses chiffres : 74.000 euros, le budget moyen annuel par CPTS et 64.750.000 pour le budget national.  Ce qui représenterait un budget national pour 5 ans de l’ordre de 323.750.000 euros. "Ne serait-il pas pertinent de rapporter l’ACI dévolu au nombre de patients ayant signé une déclaration de médecin traitant ?", interroge le syndicat, affirmant que sur certaines CPTS, seuls 26 patients ont signé, en un an, un contrat médecin traitant (taille 1, soit 2.115 euros par patient), 9 patients pour une CPTS de taille 3 (10.000 euros par patient) et 83 patients sur deux ans pour une CPTS de taille 4 soit 2.650 euros par patient. Cette "faiblesse" des résultats est "totalement déconnectée" des budgets alloués, assure-t-il. "Cette mission prioritaire, la première des CPTS, est un échec sans équivoque."

 

 

Le syndicat dénonce également la "suradministration" de ces organisations qui "rémunèrent des professionnels pour des tâches alternatives au détriment du soin et des consultations au cabinet". À savoir les directeurs de CPTS, les coordonnateurs, les chargés de mission et de communication, les référents projet...  

 

Le rapport "Tour de France des CPTS" dans le viseur

Très critique à l’égard du "Tour de France des CPTS" rendu en juin 2023 à Agnès Firmin Le Bodo, l’UFMLS dénonce une "certaine vision" du rapport qui précise, explique-t-il, qu'"il serait trop tôt pour évaluer la pratique, la plus-value supposée des CPTS, leur efficacité en termes d’accès, d’offre de soins et de diminution de la morbi-mortalité"...  "mais il n’est jamais trop tôt pour dépenser des centaines de millions sans retour sur investissement". Ce "pognon de dingues" qui traduit une vision présidentielle de l’organisation des soins ambulatoires n’est actuellement "qu’un chèque en blanc, sans réel retour sur investissement", assène le syndicat.  

Pour l’UFMLS, les CPTS ne contribuent pas à une facilitation de la prise en charge des soins non programmés et aigus (les patients complexes, âgés et polypathologiques) et signale, pour se justifier, le "foisonnement" des centres de soins non programmés. "Faut-il rappeler que 8 médecins sur 10 reçoivent quotidiennement des patients dans le cadre des soins non programmés et que la permanence de soins ambulatoires est pourvue à plus de 95% sur les territoires, soirs et week-ends ?"

 

 

Il rappelle aussi que les CPTS ne sont en rien à l’origine de la coordination entre professionnels de santé puisqu'"ils avaient créé de véritables réseaux de soins humains efficaces, bien avant la décision politique d’imposer ces réseaux administratifs, et cela sans aucune dépense de l’Etat". Il insiste sur le fait que "l’exercice libéral des médecins rémunérés à l’acte, centrés sur le colloque singulier médecin-patient, existait avant et survivra à toutes ces structures aussi dispendieuses que superflues"

De manière plus générale, l’UFML considère les CPTS comme illégitimes, notamment parce qu’elles ne représentent pas les professionnels de santé d’un territoire (selon le syndicat, moins de 20% adhèrent à l’association et moins encore sont réellement actifs). De plus, il estime qu’en "aucun cas, dans leurs missions ou prérogatives est octroyé le droit légitime de représenter les professionnels de santé, sans avoir été élus par leurs pairs"
 
L’UMFL dresse un "mur des réalités" qui révèle qu’une "très grande majorité des professionnels de santé n’adhèrent pas aux CPTS et exercent sans ses contraintes et objectifs imposés" : 21% des médecins libéraux exclusifs adhérents, de 14% d’infirmiers libéraux, de 7% de kinés libéraux et enfin, de 5% de pharmaciens libéraux. "Est-il raisonnable de dépenser de telles sommes au profit d’associations et d’une minorité de professionnels de santé ?", interpelle le syndicat de Jérôme Marty.  

 

Des activités "déraisonnables" en période de disette

Gala annuel, cocktail party, sortie en voile, karting, espace game... L’étude dresse une liste à la Prévert des activités "ludiques, conviviales, festives, sportives" qui réunissent les professionnels des CPTS. "Considérant les difficultés de financement de notre système de santé et le déremboursement croissant des soins", le syndicat exige que "chaque euro profite aux soins au bénéfice de tous et non plus aux moments de convivialités au bénéfice de quelques-uns"

 

 

Par ailleurs, pour le syndicat, les CPTS imposeront à la fois des "équipes soignantes avec les transferts et délégations de tâches, rendant captifs les médecins pour mieux les suppléer" et la "capitation, via les parcours patients et les enveloppes globales à partager entre soignants, signant la fin du paiement à l’acte, mais aussi de la liberté et de l’indépendance d’exercice car tout forfait est assorti d’objectifs et de contraintes". À ses yeux, le véritable objectif du gouvernement, est, à moyen et long terme, est "de transformer notre système de santé en mettant en pièces la médecine libérale et en premier lieu la médecine générale, mais surtout acter la fin progressive du paiement à l’acte pour une forfaitisation largement majoritaire"

L’UFMLS appelle donc à "tirer un trait" sur ces organisations "dont le seul but est de remplacer le médecin traitant par l’équipe traitante, coordonner les soins pour mieux les forfaitiser et suradministrer notre système de santé au détriment de l’exercice libéral".

 

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