"On dit que les kinés sont trop nombreux en France, mais de leur côté, les professionnels ont l’impression d’être débordés et les files d’attente s’allongent, martèle Sébastien Guérard, président de la Fédération française des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs (FFMKR). C’est pourquoi nous avons voulu mesurer scientifiquement l’accès aux soins de kinésithérapie, afin de déterminer si ce sentiment correspond à une réalité." La FFMKR a ainsi présenté, le 9 juillet, les résultats de son enquête nationale sur l’adéquation entre l’offre et la demande de soins de kinésithérapie. Avec 7 076 participants (soit 10 % de l’effectif des libéraux), répartis sur 64 % des bassins de vie français, cette étude menée en ligne en avril et mai 2021 permet de dresser un panorama fidèle de la situation, selon sa responsable, Joy Raynaud, docteure en géographie et aménagement du territoire, et consultante en expertise territoriale et accès aux soins.

Premier constat : 68 % des sondés n’ont aucune disponibilité pour recevoir en urgence un nouveau patient. "C’est alarmant, remarque Joy Raynaud. D’autant plus que 54 % des professionnels en mesure d’en recevoir estiment ne pas pouvoir proposer assez de rendez-vous pour assurer une prise en charge optimale." La géographe pointe une situation dégradée sur l’ensemble du territoire, avec un taux d’indisponibilité de 71 % en zones 'surdotées', si bien que le délai médian pour une prise en charge 'rapide' est de 3 jours… Pour la prise en charge des malades chroniques, ce taux d’indisponibilité grimpe jusqu’à 78 % en zone sous-dotée, et le délai d’attente peut s’allonger jusqu’à 28 jours. "Et encore, cela ne concerne que les cabinets capables de proposer des rendez-vous, soit 32 % des répondants", précise Joy Raynaud. Logiquement, ce manque de disponibilité se traduit par des refus de patients, 8,5 par semaine en moyenne – jusqu’à 12 en zones sous-dotées… et tout de même 7 par semaine en zones 'surdotées'. "Les zones considérées comme surdotées par l’ARS ne devraient présenter aucun problème, or ce sont des zones de tension pour les kinés, relève Joy Raynaud. Car elles ne sont surdotées que par rapport aux autres territoires de la région."

Une accessibilité qui varie fortement selon les régions

Pour permettre de mieux visualiser les résultats de l’étude, ses responsables ont réalisé un travail de cartographie basé sur l’accessibilité potentielle localisée (APL), exprimée en équivalents temps plein pour 100 000 habitants. Il varie très fortement selon les régions, avec des valeurs allant de moins de 50 à 350. "Et pourtant, la tension est très forte sur tout le territoire, rappelle Joy Raynaud. Sans doute parce que le manque de kinés est tel que le temps de trajet des patients dépasse fréquemment les 20 minutes prévues par l’indicateur." Ainsi, 25 % des territoires affichent une densité inférieure à 5 kinés pour 10 000 habitants (contre 11 en moyenne). Leurs habitants sont donc contraints de se déplacer en milieu urbain, où l’accès aux kinés devient également déficitaire, selon la FFMKR.

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