Initialement signé fin décembre, l’accord conventionnel entre la Cnam et la Fédération française des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs (FFMKR qui détient 44% des sièges aux URPS) a été rejeté par deux syndicats, le Syndicat national des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs (SNMKR) et Alizé Kiné, le 16 février dernier. Dans un communiqué, l’Assurance maladie annonçait alors sobrement que "l’avenant 7 n’entrera pas en vigueur", regrettant toutefois qu’"en ne signant pas l’avenant, les syndicats de kinésithérapeutes ratent le coche des revalorisations en 2023 et pénalisent les 70 000 praticiens sur le terrain qui réclamaient cette reconnaissance et leur place dans notre système de santé. Nous ne pouvons que le regretter". L’instance rappelait également que la convention actuelle était valable jusqu’en 2027 sans obligation d’ouverture de négociation d’ici là… Mais ce mercredi 12 avril, dans un tweet, le SNMKR assure, à la suite d’une rencontre avec le ministre de la Santé, "qu’une reprise des négociations était bien envisagée" mais que pour l’heure "aucune date" n’était annoncée…
 



Pour le syndicat qui s’est opposé à "un avenant comportant plus de contraintes que de bénéfices", il est essentiel aujourd’hui de "relancer le processus conventionnel pour obtenir un accord acceptable pour le bien [des] patients et de [la] profession", comme l’explique son président, Guillaume Rall, qui dans une vidéo, "dessine les contours de la suite du mouvement".

Pourquoi les propositions de l’avenant 7 n’ont-elles pas convaincu le SNMKR ? Guillaume Rall livre une tribune explicative qui précise tant les points de tension que les possibilités d’ouverture vers un dialogue plus apaisé. Nous vous la livrons telle quelle :
 

"Les négociations conventionnelles entre les syndicats représentatifs des kinésithérapeutes libéraux et l’Assurance maladie se sont soldées par un échec, qui a conduit à une opposition des syndicats SNMKR et Alizé, alors que la FFMKR avait signé l’accord le 16 décembre 2022. Parmi les sujets mentionnés dans la lettre de cadrage ministérielle figurait l’évolution des règles liées à la démographie, dans le but d’améliorer l’accès aux soins de kinésithérapie. Si les syndicats ont soulevé plusieurs fois le sujet de la revalorisation financière et de l’étalement du calendrier de revalorisation trop important, de nombreux désaccords sont également apparus concernant le dispositif démographique.

L’avenant 5, signé en novembre 2017, avait mis en œuvre un zonage permettant de découper le territoire français en cinq catégories de zones (les zones surdotées, les zones très dotées, les zones intermédiaires, les zones sous dotées et les zones très sous dotées) grâce à l’indicateur d’accessibilité potentielle localisée (APL). Cet indicateur, calculé notamment à partir du nombre d’actes de chaque professionnel, de l’accessibilité des cabinets pour la population et de l’âge de la population, permet d’effectuer un classement national de toutes les zones en France, découpées en bassin de vie ou pseudo cantons, et de déterminer le positionnement de chacune d’entre elles au sein de ces 5 catégories.

Au sein des zones surdotées a été intégré le principe de conventionnement sélectif, c’est-à-dire qu’un professionnel ne peut obtenir un conventionnement (hors dérogations) que si un autre professionnel décide de quitter la zone. Dans l’avenant 5, il a été défini que 12,5 % de la population française vivait dans ces zones surdotées.

Le texte prévoyait une adaptation de ce zonage au niveau régional par les ARS, avec la possibilité d’organiser des bascules de zones, notamment entre les zones très dotées et surdotées. Seulement, le reclassement de zones d’une catégorie à une autre doit entraîner le reclassement inverse pour d’autres zones, ce qui ne laissait aucune marge de manœuvre réelle aux ARS et aux représentants professionnels locaux.

Le SNMKR s’est donc présenté aux négociations conventionnelles avec une posture claire : l’évolution du dispositif démographique doit faire l’objet d’une évaluation sur son impact depuis 2017 et intégrer un assouplissement des règles au niveau local, afin de permettre aux agences d’adapter la situation à la réalité du terrain.

La proposition faite dans l’avenant 7 à la convention des masseurs-kinésithérapeutes proposait une augmentation de la population vivant en zone surdotée de 12,5 % à 30 %, avec la suppression des marges d’adaptations locales. Lors de la négociation en 2017, les propositions faites par l’Assurance maladie avaient été accompagnées d’une simulation permettant aux syndicats de découvrir les zones qui seraient concernés par ce conventionnement sélectif. En 2022, ce ne fut pas le cas. Aucun document de travail n’a été fourni en parallèle de cette proposition, ne permettant pas d’analyse fine des répercussions de cette mesure.

Cette proposition ne s’est malheureusement pas basée sur une évaluation claire du dispositif depuis 2017. Certains chiffres mettent en avant une stagnation de la densité de kinésithérapeutes au sein des zones surdotés (ce qui paraît logique), et qu’une attention devrait être portée sur les zones très dotées dont la densité pourrait dépasser celles de certaines zones surdotée si rien n’était fait. Le désaccord réside donc dans la justification du choix réalisé par l’Assurance maladie de monter le curseur à ce niveau, sans laisser d’initiative au terrain d’adapter les données nationales.

Un exemple marquant des conséquences de ce zonage nationalisé : l’île de la Réunion. Ce Drom d’environ 850 000 habitants fait l’objet d’une situation particulière à plusieurs titres:

- Une situation socio-économique plus défavorable qu’en métropole lors qu’on regarde les indicateurs de santé, un renoncement aux soins important, un vieillissement régulier de la population et un taux de pauvreté plus élevé ;

- Un territoire géographique spécifique avec des reliefs culminant à plus de 3 000 mètres, des zones habitées entre le niveau de la mer et environ 2000 m d’altitude, une couronne littorale avec une densité importante de population contrairement aux hauteurs de l’île.

Face à cette situation, le zonage des médecins a su être adapté en 2021 et permet de tenir compte des spécificités de la Réunion. Depuis cette date, une dérogation est accordée pour utiliser l’échelle des grands quartiers à la place des bassins de vie et pseudos cantons. L’échelle des grands quartiers permet de tenir compte des difficultés d’accès aux soins des hauts des communes.

Les quartiers de l’île de La Réunion sont très différents, certains très défavorisés et qui concentrent les difficultés, d’autres plus aisés qui nécessitent moins d’aide, mais restent en dessous de la moyenne nationale. L’Insee a ainsi réparti en cinq groupes homogènes selon des critères socio-économiques (précarité monétaire, structure familiale, habitat).

Les responsables syndicaux locaux sont très engagés sur ce sujet et demandent à l’Assurance maladie d’utiliser cette dérogation pour la définition du zonage des kinésithérapeutes à l’ile de la Réunion. Le SNMKR soutient pleinement cette proposition qui vise à améliorer l’accès aux soins, par un dispositif évolutif et souple qui tienne compte de la richesse et de la diversité de nos territoires. 

Guillaume Rall, président du SNMKR"

 

 

RETOUR HAUT DE PAGE