"Nous sommes pris entre deux feux", lance Mickaël Riahi, médecin généraliste à la MSP Villaumed Paris 19e et secrétaire général de la CPTS Paris 19. Un "nous" qui assure-t-il, inclut à la fois à la fois les collègues de sa MSP et de sa CPTS mais aussi, de manière plus générale, "les médecins évoluant dans le pluripro", dont il estime modestement, glisse-t-il, refléter "l’esprit général". Un état général qui les rassemble car tous les praticiens qui ont choisi ce mode d’exercice sont actuellement dans une position assez inconfortable, insiste Mickaël Riahi.

Si d’un côté, ils comprennent et partagent le "désespoir exprimé" par nombre de confrères généralistes – car la souffrance est "réelle" et trouve en grande partie sa source dans "le sentiment d’être déconsidérés" –, de l’autre côté, ils aimeraient leur transmettre un peu de cet "optimisme" qui habite ceux qui sont investis dans l’exercice pluriprofessionnel… Une mission délicate car ces praticiens avancent en terrain miné, assure Mickaël Riahi : "Nous croyons vraiment à ce mode d’exercice. Tant au fait que c’est l’avenir, que c’est la raison qui poussera les jeunes à s’installer, qu’il faut redéfinir les métiers, les tâches, etc. Mais nous ne sommes pas aidés…"

 

"On vous avait prévenus"

À titre d’exemple, le médecin pointe les "diverses mesures gouvernementales portées par des parlementaires de tous bords qui, pour parer au plus urgent – et ce alors que la situation est connue depuis des années –, sont en train de déstructurer" la coopération interprofessionnelle. Avant de citer le cas des infirmières en pratique avancée (IPA) : "Proposer un accès direct, passer outre les recommandations de protocoles", et de manière unilatérale, est totalement contreproductif, estime Mickaël Riahi : "On voudrait provoquer l’échec qu’on ne s’y prendrait pas autrement", souffle-t-il, car cela donne "du grain à moudre aux opposants" qui, dès lors, se braquent. Et la discussion devient alors impossible : "Nous sommes tout de suite confrontés aux incohérences des mesures actuelles."

"On vous avait prévenus", "Tout ça, c’est du vent", "Vous vous êtes bien fait avoir et maintenant, les médecins vont être remplacés par des officiers de santé"… Autant de remarques que reçoivent les promoteurs de l’exercice coordonné pluripro, rapporte le médecin, qui ajoute qu’elles sont les conséquences des interventions hâtives du politique. Des interventions qui, présentées ainsi, « gâchent » les efforts des professionnels de santé en posant des obstacles sur la voie qu’ils ont commencé à tracer : celle de "réformer tous les exercices, en travaillant tous ensemble, de manière à avoir des résultats efficaces", déplore Mickaël Riahi, qui enjoint ses confrères à ne pas se décourager.

Une "déstructuration" qui a également un autre effet négatif, ajoute le généraliste parisien, car elle laisse "la place aux revendications un peu plus populistes", dans le contexte de la négociation de la nouvelle convention médicale. Il en cite quelques-unes : la consultation à 50 euros et la suppression des forfaits, portées par le mouvement "Médecins pour demain", les menaces de grève dure et de déconventionnement… Le problème, c’est qu’il devient impossible "d’en discuter sur les réseaux et dans les coordinations", soulève celui qui est investi à la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) : "Il y a une certaine violence, qui a été décrite par d’autres avant moi. À un moment, on en a marre et on arrête de débattre…" Résultat : une impression d’unanimité au sein de la profession, "alors que ce n’est pas du tout le cas", assure-t-il.

Le C à 50 euros ? Tout le monde ne le revendique pas, pointe-t-il, de même que la suppression des forfaits. Pour le praticien, si "Médecins pour demain" a eu le mérite de "libérer la parole sur la colère et le burn-out des médecins", le collectif a trop "tendance à vouloir la jouer solo", alors qu’il "y a besoin de se concerter avec tous les syndicats et de lancer des actions crédibles sur un programme commun". Il leur reproche également de ne pas vouloir entendre parler de la problématique d’accès aux soins : "Certes, ce n’est pas la faute des médecins. Pour autant, on ne peut pas s’en laver les mains…"
 

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Quant à l’invitation à la grève dure ["Médecins pour demain" appelle à une "grève dure" à compter du 26 décembre, NDLR], Mickaël Riahi juge qu’en libéral, "c’est difficilement tenable. Et puis nous avons une responsabilité vis-à-vis de la population". Pour le médecin parisien, "une majorité des médecins en ont ras-le-bol et voudraient que le généraliste soit payé à sa juste valeur… Mais ils ne sont pas prêts à dire n’importe quoi ni à se désintéresser du sort du système de santé !"

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