"Il faut mettre le feu ! C’est détestable, en particulier en période hivernale où les hôpitaux sont surchargés, mais pour avancer, il faut créer le chaos." Luc Duquesnel, généraliste à Mayenne et président du syndicat Les Généralistes-CSMF, ne mâche pas ses mots quand il évoque l’appel à la fermeture des cabinets de médecins libéraux les 1er et 2 décembre. La mobilisation a été lancée en octobre par "Médecins pour demain", un collectif regroupant quelque 15 000 praticiens et qui revendique un tarif de consultation rehaussé à 50 euros. "Nos honoraires n’ont pas été réévalués depuis 2017. Or nos charges, elles, ne cessent de grimper, rappelle Christelle Audigier, généraliste à Craponne (Rhône), fondatrice du mouvement. Pour y faire face, nombre de médecins sont malheureusement contraints de réduire la durée de consultation, au détriment de la qualité des soins." Revaloriser la consultation permettrait aussi, estime-t-elle, de créer un choc d’attractivité pour la médecine de ville, à l’heure où seuls 35 % des internes s’installent en libéral dans les cinq ans suivant leur première inscription au tableau de l’Ordre, d’après une enquête publiée par le Conseil national de l’Ordre des médecins en 2019.

Une demande qui, à ce jour, n’a pas été entendue dans le cadre des négociations sur la future convention médicale ouvertes le 9 novembre dernier entre les dix syndicats de médecins libéraux, l’Union nationale des caisses d’Assurance maladie (Uncam) et l’Union nationale des organismes complémentaires d’assurance maladie (Unocam). Si bien que les représentants des médecins ont claqué la porte dès la première réunion. "C’est une première, reprend Luc Duquesnel. Mais c’est aussi la première fois que l’Ondam est inférieur à l’inflation…" Depuis, l’Uncam a proposé un nouveau calendrier aux syndicats. Après deux séries d’échanges bilatéraux destinés à permettre à ces derniers de présenter leurs priorités et à l’Assurance maladie d’exposer ses propositions sur le gain de temps médical et l’accès territorial aux soins, une séance plénière est prévue le 15 décembre prochain.

 

En France, 1 070 patients MT contre 3 000 en Allemagne

Via sa revendication d’une consultation à 50 euros, le collectif "Médecins pour demain" affirme porter "des propositions concrètes pour améliorer la qualité et l’accès aux soins pour nos patients, tout en améliorant les conditions de travail des médecins". En effet, cette hausse du tarif de l’acte permettrait d’embaucher du personnel (secrétaire, assistant médical) et donc de libérer du temps médical. "En Allemagne, où la consultation est à 74 euros, les médecins emploient deux équivalents temps plein, contre 0,2 en France", martèle Christelle Audigier. "En moyenne, en France, un médecin traitant suit 1 070 patients contre 3 000 pour les Allemands, rappelle Luc Duquesnel. Nous voulons travailler autrement, mais on ne nous donne pas les moyens de nous réorganiser."

Le syndicaliste ne croit pas, pour sa part, à une consultation unique à 50 euros mais demande une revalorisation du tarif de base à 30 euros, assortie de la création d’une consultation de niveau 2, longue (45 minutes) et complexe, rémunérée 60 euros. Les patients en ALD ou atteints de maladies chroniques pourraient en bénéficier deux fois par an quand le reste du suivi serait délégué, par exemple, à des infirmières en pratique avancée, ce qui dégagerait des créneaux pour les autres patients. "En contrepartie, nous sommes prêts à nous engager à faire diminuer le nombre de patients en ALD sans médecin traitant, qui sont actuellement plus de 600 000 en France. Mais il n’est pas acceptable qu’on ne nous propose que des mesures de coercition, alors que les jeunes médecins se désintéressent justement du libéral à cause de l’augmentation des contraintes."

Sur ce point, "Médecins pour demain" propose, par exemple, l’arrêt des certificats "inutiles" et des tâches administratives, en hausse avec les récentes réorganisations des soins ambulatoires. "Quelques revendications semblent vouloir opposer l’exercice monoprofessionnel avec l’exercice pluriprofessionnel en CPTS, alors que ces organisations ont pour but d’innover au service de l’exercice et de la démographie, sans nuire à aucun de leurs membres, déplore Jean-François Moreul, médecin généraliste dans une maison de santé multisite du Maine-et-Loire et vice-président de la Fédération nationale des CPTS. D’ailleurs, un certain nombre de médecins généralistes exerçant en CPTS participent à ce mouvement de grève, ce qui prouve que l’argument n’a pas lieu d’être… Nous souhaitons que cette période de revendication ne soit pas source d’opposition entre les médecins, notamment sur des sujets tels que les IPA et les délégations de tâches…"
 

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