Avec Laïla Rivard et quelques autres professionnels de santé, Stéphanie Eyssette décide de s'embarquer dans le modèle "maison de santé". Un choix qui s'impose car "sur le papier, cela avait l’air de correspondre à ce qu’on souhaitait, et nous permettait d’être accompagnés et aidés". L’équipe se rapproche de l’URPS médecins libéraux Ile-de-France, de la CPAM et de l’ARS. Et lance le processus : étude de faisabilité, diagnostic territorial, projet de santé, labellisation… Le diagnostic de territoire révèle d'ailleurs que le nombre de naissances à Colombes est supérieur au solde migratoire, que le revenu médian des ménages (principalement des couples avec enfant/s) est inférieur à celui du département et de la région, que le diabète arrive en tête des ALD les plus représentées ou encore qu'il y a peu d'actions de prévention et de dépistage…
L'équipe se consolide petit à petit. "Ce sont des professionnels déjà en exercice mais qui ne voulaient plus être seuls dans leur cabinet. Ils avaient envie d'être ensemble… On faisait parfois des réunions jusqu'à minuit. Des heures et des heures, et on aurait pu mille fois s'entre-tuer !", lance-t-elle en riant.
Très vite se pose le problème du local, "un des points noirs", confie-t-elle. Notamment sur le territoire francilien où l’immobilier est en tension. Les recherches prennent des mois, la mairie de Colombes s’implique et négocie avec les promoteurs. Finalement, une promesse de vente est signée pour un local de 370 mètres carrés, boulevard de Valmy, en avril 2023, à peu près à la même période que l’obtention du label MSP.
En septembre 2024, la MSP La Colombe est fonctionnelle, les cabinets spacieux, les circulations fluides. Trois couleurs sont proposées aux professionnels de santé pour l'aménagement des 12 cabinets : terracotta, vert olive et bleu roi. Une salle d’allaitement jouxte la salle d’attente, pour permettre aux mamans de nourrir leur bébé. Une coordinatrice – de la société Docteur House – rejoint bientôt l'équipe… Le montage du projet n'a pas été simple mais les professionnels ont le sourire. "C'est une équipe incroyable, et c'est un grand bonheur de les côtoyer au quotidien… Ce sont vraiment de belles personnes qui font, chacune, un métier formidable. On discute de nos vies, de nos familles, mais aussi des patients que nous avons en commun…" Une équipe qui "partage la même vision de la santé : de l'accompagnement, de la médecine, de l'autre…" Et qui définit son projet de santé autour de 5 axes prioritaires : prévention et éducation à la santé ; lutte contre les inégalités sociales et territoriales de santé ; qualité et continuité des parcours ; place de l'usager au cœur du système de santé ; ou encore amélioration des conditions d'exercice des professionnels de santé. "L'idée est de voir comment on s'organise au sein du territoire, savoir qui fait quoi… Le vrai échelon de santé est territorial, estime Stéphanie Eyssette. Mais c'est une culture qui doit encore prendre."
Créer la maison de santé*, "ça a été long, très long, confie la pédiatre. Et on n'en sort pas tout à fait indemne". Mais le label MSP a le mérite – "et c'est peut-être le premier mérite", glisse-t-elle – de fédérer des professionnels autour d'un même projet de santé. "C'est essentiel d'avoir un noyau soudé et motivé. Et d'utiliser les compétences et les qualités de chacun… Il faut aussi se battre et garder en tête qu'on fait tout ça pour aller vers un beau projet, une belle offre de santé. Mais aussi pour se créer les conditions pour faire le métier qu'on veut faire, et le faire le mieux possible." C'est aussi cela que Stéphanie Eyssette souhaite que ses deux filles (12 et 14 ans) gardent en mémoire : que leur mère fait le métier qui lui plaît et qu'elle y prend du plaisir.
NOTE
* File active de 8.200 patients pour les pédiatres, les médecins généralistes et les sages-femmes.