"Je suis médecin généraliste de campagne et je suis solidaire de mes confrères qui souhaitent sauver la médecine en France mais je ne suis pas favorable aux grèves de médecins.

Déjà, lorsque tous les médecins sont en exercice, nous sommes débordés et dans certains territoires, des patients n’obtiennent pas de rendez-vous… Si 70% font grève, qu'advient-il des personnes souffrantes ? D’autant que nous sommes en période épidémique et que l’hôpital explose…

L'absence des médecins me semble être une catastrophe pour la prise en charge des patients qui se retrouvent pris en otage.

Quand on me demande si je fais grève, je réponds "non, vu les besoins médicaux actuels mais il y a des problèmes à régler".

Oui, il faut négocier car c’est tout le système de soins qui, lentement, s’amoindrit et s’érode : on est en train de le déshonorer mais nous sommes des médecins, les héritiers d’une longue lignée qui a toujours combattu contre la maladie et la mort.

N'y avait-t-il pas d'autres solutions ? On aurait pu pratiquer, si les négociations n’aboutissent pas, la grève des feuilles de soins électroniques, des arrêts de travail et documents en ligne... La CPAM aurait vite explosé et aurait accéléré les négociations. Les patients auraient été solidaires car ils savent que notre système médical est malade et ils n'apprécient pas de devoir envoyer des documents et d'attendre les remboursements en ces temps difficiles…

En revanche, on ne peut nier qu'il y a des problèmes à régler et des décisions à prendre.

> La délégation de tâches :

Depuis son apparition, j'y suis réticente car on ne peut pas demander à un paramédical ou à un pharmacien la même chose qu'un médecin... et vice versa. Mais vu la raréfaction médicale, comment faire autrement avant dix ans où, j'espère, il y aura le double de médecins ? Il faut donc organiser cette délégation de tâches : 
- tout geste effectué par un pharmacien, une infirmière ou une sage-femme doit être notifié au patient et à son médecin traitant : traitement institué, vaccin, gestes effectués ;
- comme les médecins seront amenés à pratiquer une majorité d’actes compliqués, il faut instituer des tarifs de consultations complexes : Consultation dite simple à 27-30 euros (tarif réévalué en lien avec l’inflation depuis 5 ans) pour 1 ou 2 motifs et consultation complexe à 55-60 € (visite annuelle pour faire le point, renouvellement de traitement avec intégration de résultats, nombreux motifs).
- En concertation avec les acteurs de la délégation de tâches, les médecins pourront effectuer du dépistage médico-psycho-social… et se rapprocher du concept de médecin de famille : il n’y a pas de petite consultation que certains appellent avec mépris, bobologie.

 > La 4e année d'internat :

Cessons les initiatives inutiles et qui alourdissent : en m’appuyant sur mon expérience, je n'y ai jamais vu d’intérêt :  les motivés sont déjà formés après trois ans et les non motivés n’apprendront pas plus. De plus, on ne fait pas grand-chose de bien sous la contrainte.

Selon moi, si cette année est maintenue, elle devra consister en 35 heures sur trois jours, correctement rémunérée pour ces trentenaires qui sont, comparativement à leurs amis de même niveau scolaire, très mal payés.

> Les "lapins" : comment responsabiliser chacun ?

Le patient est souffrant, il consulte et ressort avec un bilan et une prescription. Mais il a oublié de dire au médecin "ça me sert dans la poitrine quand je marche". Il a failli laisser de côté un infarctus qui pourrait lui être fatal mais si le médecin a sauvé une vie in extremis, il a pris un retard considérable dans son planning. Alors oui, il faut expliquer au patient qu’il ne doit pas attendre des semaines jusqu'à la catastrophe, être à l’écoute de ses symptômes nous les signaler sans oubli et que « prévenir, c’est guérir ».

 Et quand on ne peut vraiment pas venir en consultation, on annule. Je suis persuadée que les urgences seraient moins engorgées si certains patients étaient moins laxistes.

L'attitude de certains patients n'invite pas les jeunes à s'installer : demandes abusives, bilans et traitements non suivis, pertes de documents, agressivité "vous m'embêtez avec vos examens qui ne servent à rien"... comme si on passait du temps à effectuer des prescriptions pour le plaisir.

Notre système de santé tiendra si patients, médecins, pharmaciens, paramédicaux et pouvoirs publics fournissent conjointement des efforts pour réhabiliter la médecine et chercher puis trouver ensemble des solutions."

 

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