Ils se côtoient au quotidien, au sein de la MSP de l’Avre, mais aussi le soir ou les week-ends. Victorine Fongueuse, 42 ans et infirmière déléguée en santé publique, Guillaume Fongueuse, 41 ans, infirmier libéral, coordinateur et co-gérant, et Valentin Dereuder, beau-frère de Victorine [il épouse sa sœur, NDLR], 40 ans, kinésithérapeute, co-gérant et trésorier de la MSP, sont toujours ensemble. Et ont impulsé, tous les trois, il y a dix ans, la création de la maison de santé.

Victorine et Guillaume se connaissent depuis le lycée. Ils se retrouvent pendant les études d’infirmier et ne se sont plus jamais quittés. "On a 17 ans de mariage", sourit l'infirmière déléguée en santé publique. Avant la maison de santé, ils ont travaillé tous deux dans la même clinique privée à Amiens : elle, au bloc opératoire, lui aux urgences. "On vivait à Montdidier, en milieu rural. Je voulais m’installer en libéral pour travailler dans la proximité", se souvient Guillaume. Avec son beau-frère, Valentin, kinésithérapeute, ils montent un cabinet paramédical dans un petit village et y restent pendant sept ans.


de g. à dr. : Valentin Dereuder, Victorine et Guillaume Fongueuse. Crédit : G.F.

Début des années 2010. Ils décident de créer une maison de santé, et deux médecins généralistes de Trois-Rivières, à 7 kilomètres de Montdidier, répondent présent. Proches de la retraite, ces derniers souhaitent attirer de jeunes médecins pour prendre le relais. Guillaume Fongueuse découvre alors le modèle Asalée et, avec sa femme, se rapproche de l’association. Après une formation de quarante heures en éducation thérapeutique, Victorine devient l'une des premières infirmières Asalée en Picardie et glisse vers la santé publique.


Les difficultés sèment le parcours de la MSP. "Il nous fallait un porteur public pour le projet immobilier. Le maire de Trois-Rivières s’y est intéressé", poursuit Guillaume. La première réunion de l’équipe, rejointe par un autre kiné et une sage-femme, se tient en 2013. "La création d’une MSP, c’est beaucoup de travail, beaucoup de temps, et beaucoup de chance. La chance, ce sont les belles rencontres. Celles du maire en fait partie", ajoute Victorine. La maison de santé ouvre ses portes en 2018. "Entre les premières réflexions et le moment où je me suis assis derrière mon bureau, sept ans ont passé", résume Guillaume.

Insuffler un air de famille

Aujourd’hui, la MSP a changé de taille et de visage. Elle compte 26 professionnels. "À l’époque, nous étions les petits, les jeunes. Maintenant, nous avons dix ans d’écart avec les médecins généralistes. Nous sommes les vieux !", s'amuse Victorine. De l’avis des trois, devenus parents, la MSP de l’Avre est une "maison de santé particulière" où règne un climat de bienveillance, d’entraide. "Valentin gère la salle de repos, où on trouve toujours des collations et des boissons. Il y a une attention pour chacun", note Victorine.


Forum de la parentalité, 2024


Artiste dans l’âme, celle-ci a fait des études à la faculté d’arts d’Amiens avant de devenir infirmière. Passionnée, elle photographie tout. Et compose un album photo sur la maison de santé. Elle le montre à chaque nouvel arrivant, comme à ces quatre jeunes médecins "venus car ils étaient attirés par cette ambiance familiale et amicale". À la maison de santé, on fête les 40 ans d’un collègue, on organise un mariage surprise à une collègue. Certains partent en vacances ensemble, avec leurs familles respectives... "L’esprit de notre maison de santé, c’est l’esprit d’une maison", décrit Valentin Dereuder, aussitôt complété par Victorine qui s’interroge : "Peut-être que c’est nous qui avons insufflé cet esprit familial ?"
 

"Rien dans leurs têtes n’est impossible"

Tous trois voient surtout des avantages à travailler en famille dans une maison de santé. Victorine apprécie surtout "l’immédiateté des réponses", qu’elle ait besoin de matériel ou qu’elle soumette une idée de projet à mettre en place. "Quand on se connaît si bien, c’est plus facile d’avoir de la confiance, ce qui me facilite la vie, en tant de coordinateur et co-gérant", confie Guillaume, également président de la Femas Hauts-de-France. Il souligne également la solidarité familiale dans les moments difficiles. "Dans une famille, on sait quand quelqu’un ne va pas bien. On sait que la période est dure, on peut le protéger."

Pour Valentin, le soutien pendant les épreuves fait également partie des avantages inappréciables de leur mode de pratique. "L’inconvénient, admet-il, est que nous parlons boulot tous les jours, nous n’avons jamais de coupure. Dès qu’on se voit, on se passe les informations côté professionnel. J’ai parfois du mal à déconnecter…" Guillaume, lui, y parvient mieux : "On arrive à mettre un peu de distance à tout cela."

 


S’ils ne se disputent jamais, il leur arrive d’"exprimer leur point de vue avec assertivité", selon l’expression pudique de Victorine, qui se souvient avoir eu à défendre les secrétaires, victimes parfois du comportement agressif d’un patient. "Valentin n’était pas d’accord, il ne s’en rendait pas compte." Guillaume, lui, admet qu’en tant que co-gérant, il peut être "limitant", notamment sur le financement de tel ou tel projet.

D'autant que les projets fleurissent à la maison de santé, souvent impulsés par Victorine, qui doit les soumettre aux co-gérants. "J’ai de la chance. Rien dans leurs têtes n’est impossible." Il y a, par exemple, le Forum de la parentalité, qui se tient pour la première fois en septembre prochain, le temps d'un après-midi, le week-end. Deux-tiers des praticiens sont impliqués dans l’organisation, dans l’animation des stands et du moment fort – une lecture, une activité physique, – qui se déroule sur scène. Victorine, elle, retient surtout l’exposition "Chroniques en santé", fruit du travail de six mois d’un photographe avec les patients de la maison de santé. L'infirmière s’en souviendra toujours : "Nous sommes en milieu rural. C’était la première fois qu’une de nos patientes de 77 ans allait à une expo."

RETOUR HAUT DE PAGE