La bipolarité détruit le malade comme ses proches. Mais dans ce champ de ruines subsiste parfois l'amour, raconte dans le long-métrage Les Intranquilles Joachim Lafosse, qui en sait quelque chose puisque son père en était atteint.
Dans ce film en salles mercredi, Damien (Damien Bonnard) est un père de famille, artiste-peintre vivant confortablement dans un mas provençal avec sa compagne Leïla (Leïla Bekhti) et leur fils Amine. Un foyer semble-t-il heureux, mais en réalité rongé par la maladie.
Comme branché sur 220 volts, toujours au four et au moulin, Damien alterne phases maniaques ou épisodes de dépression. Le traitement au lithium qu'il doit prendre le calme mais le laisse dans les limbes.
"J'ai toujours eu envie de raconter ce qu'il se passait à la maison quand j'étais enfant. Mon père a été hospitalisé pour maniaco-dépression (l'autre terme pour la bipolarité, ndlr). Je voulais autant parler de l'entourage que de celui sur lequel on a mis un diagnostic", a raconté le réalisateur belge à l'AFP, lors du Festival de Cannes où il était en compétition.
Mais Les Intranquilles, ce sont aussi les proches: Leïla, qui tente d'aider Damien et de le protéger de lui-même, mais qui d'hospitalisation en crises a renoncé à sa propre vie. Et leur enfant, fasciné par un père capable de le laisser seul à la barre d'un bateau en pleine mer ou de débarquer à l'école en plein cours pour proposer à toute la classe une sortie, mais qui n'est pas dupe et souffre aussi. Pour autant, Lafosse, auteur de neuf long-métrages (A perdre la raison, L'économie du couple) qui interrogent le lien familial, sa tension et ses noirceurs, a voulu faire un film sur l'amour et "pas sur la bipolarité".
Car au-delà de la maladie, le film montre "cette situation où, dans un couple, il y en a un qui flanche. S'aimer quand on est dans la séduction, qu'on est au plus beau de soi-même, c'est facile. Mais c'est quand on ne peut plus se montrer que la question se pose vraiment. Avant c'est du théâtre".