Article publié dans Concours pluripro, mai 2025


Pari réussi pour la CPTS Caen Couronne ! Fin avril, professionnels de santé, élus et partenaires locaux se sont retrouvés à Hérouville-Saint-Clair, au nord-est de Caen, pour la première édition du colloque SanteXpérience. Deux journées placées sous le signe de l’innovation en santé mais aussi du partage d’expériences pour mettre en avant les nombreuses initiatives portées par les CPTS en Normandie.

Alternant tables rondes thématiques et ateliers pratiques, les deux journées ont mis en lumière la créativité des organisations normandes. "On a fait une première journée compatible avec les élus locaux, pour détailler nos idées et montrer qu’on pouvait mettre en place des solutions face aux problèmes du territoire, détaille Audrey Armand, médecin généraliste et présidente de la CPTS Caen Couronne. La seconde journée était plutôt dédiée aux professionnels de santé et au parcours de soins des patients, tout en revenant sur les initiatives mises en place en Normandie." 

Santé environnementale, écoresponsabilité, accès aux soins, perspectives territoriales... La première journée a mis l’accent sur l’organisation des soins dans la région. Avec « 2 376 médecins généralistes, affirment Jean-Marc Macé et Katsiaryna Kananovitch, géographes de la santé, et 4 604 consultations par an par médecin, pour une population de 3,3 millions d’habitants dans la région », la Normandie compte une densité de médecins plus faible (7,14 pour 10 000 habitants) que le reste de l’Hexagone, qui en compte 14,7. Comment améliorer l’accès aux soins ? Une des solutions "serait de redéfinir les frontières des CPTS normandes en fonction du territoire vécu des médecins généralistes" avancent-ils prudemment, carte à l’appui (voir ci-dessous).

Mais l’accès aux soins se heurte aussi parfois aux questions de santé environnementale et d’accessibilité pour les personnes en situation de handicap. Les CPTS peuvent-elles être un espace pour agir autour du handicap ? Pour Jean-François Moreul, président de la Fédération nationale des CPTS, "les professionnels du premier recours ont pris conscience du rôle qu’ils pouvaient jouer collectivement. C’est important que les élus signent le contrat local de santé et décident ensemble des actions à mettre en place. Demander aux CPTS de porter une fiche action, par exemple, augmente la puissance de ce levier qu’est une CPTS."

Le lendemain, plus d’une centaine de participants, pour la plupart professionnels impliqués dans les CPTS normandes, ont échangé autour de la coordination des soins, de l’activité physique adaptée, du dispositif d’ordonnance verte ou encore de la démarche participative. "Nous sommes très satisfaits d’avoir réussi à mobiliser autant de personnes, confie Élise Jeanne, directrice de la CPTS. Notre idée, c’est de lancer une dynamique entre les CPTS de la région, et que cette initiative soit reprise chaque année par une CPTS différente." Affaire à suivre... pour l’année prochaine !

 

FOCUS

Zoom sur 3 interventions

  • "On fait travailler les professionnels ensemble, sans qu’ils s’en aperçoivent"

"L’innovation réside dans la manière dont nous repensons nos collaborations", lance Audrey Armand, présidente de la CPTS CaenCouronne. Et pour Claudie Douchin, directrice de la Cellule de coordination de soins non programmés, qui travaille en lien étroit avec la CPTS, cette CCSNP, "c’est en quelque sorte la Suisse de l’accès aux soins, s’amuse-t-elle. Grâce à la cellule, on fait travailler les professionnels ensemble, sans qu’ils s’en aperçoivent". Objectif : trouver des solutions aux patients ayant besoin d’un médecin traitant, d’une imagerie ou encore d’un bilan orthophoniste. "Un professionnel de santé nous appelle, il nous présente son besoin et on y répond grâce aux créneaux que nous avons à disposition." Depuis novembre 2023, la CCSNP a répondu à 1 743 demandes venues des 140 médecins requérants. "Nous sommes modérateurs de la consommation de soins, parfois excessive", complète-t-elle.

  • "Un numéro unique avec, au bout du fi l, un traducteur"

En 2022, Nicolas Martine, coordinateur du programme Médecins du monde à Caen, identifie le principal obstacle à l’accès aux soins pour les personnes exilées : l’interprétariat. Avec des patients originaires du Soudan, d’Afghanistan ou encore d’Éthiopie, la prise en charge est difficile. D’autant qu’"en communiquant dans un anglais approximatif, on risque de passer à côté de beaucoup de choses", précise-t-il. Médecins du monde décide alors de monter ISM Interprétariat, "un numéro unique pour les professionnels d’un même territoire, avec, au bout du fil, un traducteur disponible en moins de cinq minutes". La consultation est plus longue mais elle est aussi plus efficace. D’abord soutenu par la métropole rouennaise, le projet est aujourd’hui porté par l’ARS Normandie et la FCPTS, avec un accès pour l’ensemble de soignants normands.

  • "L'idée n'est pas de refaire la France" 

Quel lien entre territoire et organisations des soins ? Une approche quantitative, présentée par Katsiaryna Kananovich et Jean-Marc Macé, tous deux géographes de la santé, a analysé les 16 millions de flux des patients domiciliés en région Normandie en 2024 dans le recours de première ligne. Cette offre de soins, constituée par 2 331 médecins généralistes installés, d’une part, et 32 pôles de service des urgences, d’autre part, génère 374 "territoires vécus" de recours aux soins de médecins généralistes qui, eux-mêmes, s’emboîtent dans 34 territoires vécus du recours de service des urgences normands. Cette première approche, complétée par une approche qualitative menée auprès de 10 présidents de CPTS sur les 31 existantes, montre que ce diagnostic territorial est apprécié par les professionnels de santé, car ces maillages géographiques empiriques apportent un éclairage et corroborent à la perception de leur propre territoire d’exercice. "L’idée n’est pas de refaire la France mais d’essayer de construire au regard de ce qui existe déjà au niveau des CPTS", a précisé Jean-Marc Macé. Les deux géographes de la santé ont ainsi proposé un nouveau découpage du territoire des CPTS.

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