Quand la MSP devient employeuse... Comment salarier un professionnel de santé ou de la santé au sein de sa maison de santé ? Que modifie le nouveau décret publié cet été ? Autant de questions soulevées lors du webinaire d’informations juridiques, animé par Martin Mérindol et Poline Hadeler de la FémasIF, hier 19 septembre. Un temps d'échanges qui a permis à la cinquantaine de participants de faire le point et de s’informer sur le salariat en maison de santé, mais aussi de se mettre à jour des 3 grands textes parus sur le salariat en Sisa (voir ci-dessous).

Si Martin Mérindol a précisé qu’après un "rapide tour avec les autres fédérations régionales, il n’y a que peu voire très peu de MSP qui salarient des médecins ou des infirmières", il a rappelé l'unique exemple de la maison de santé Miriam Makeba, en Ile-de-France, qui "salarie une IPA à mi-temps". Alors que la maison de santé Mathagon (Paris, 18e), par exemple, salarie uniquement que des assistants médicaux, a ajouté Dalila Hemaidi, IPA et coordinatrice dela MSP.

Zoom sur quelques points pratiques abordés pendant cette session et auxquelles a répondu Jérémie Pontonnier, avocat spécialisé dans l’élaboration, la création et la mise en place de leurs projets d’exercice coordonné.

 

> Comment salarier un professionnel de santé ?

Tout simplement en signant un contrat de travail, c’est un impératif. Celui-ci peut être à durée déterminée (CDD) ou indéterminée (CDI). Et il va dépendre évidemment des missions de ce professionnel de santé. Si celui-ci est amené à faire des actes côtés par l’Assurance maladie qui donneront donc lieu à une facturation, il faut obligatoirement et préalablement prévenir l’Ordre professionnel compétent pour qu’il valide cette relation de travail. Les conseils départementaux des Ordres des médecins, notamment, y sont particulièrement vigilants.

La Sisa n'étant pas différente d’une autre entité employeuse, il faut prévenir l’Assurance maladie. Les caisses primaires peuvent également être d’un grand secours en matière d'organisation.

Lire aussi : Comment mettre en place le salariat au sein des Sisa ?
 

> Comment aider les MSP, qui regroupent des professionnels libéraux, à la gestion de salariés et missions RH ?

Les cabinets d’expert-comptable peuvent aider les équipes au quotidien sur ce type de question. Ils sont les relais des équipes pour tout ce qui concerne la relation avec le salarié et même le contrat de travail.

Et si la fédération régionale peut vous aider, elle va vite atteindre les limites de choses à traiter et à gérer. Misez donc sur un cabinet d’expert-comptable qui a du personnel formé à ces questions.   

> Qui la MSP peut-elle employer ? C'est la Sisa qui emploie ?

Une MSP peut employer qui elle veut. Néanmoins il faut faire attention à comment elle va financer les salaires qui seront versés. Théoriquement, l’ACI est versé dans le cadre de la réalisation d’un projet de santé avec des objectifs donnés, donc on ne peut pas financer le salaire de n’importe qui, n’importe comment. Il faut d’abord que cela cadre avec le projet de santé de la Sisa et avec la capacité d’accomplir des soins de premier et second recours. La Sisa est bien entendu l’employeur, les textes qui étaient auparavant relativement flous sont désormais parfaitement clairs.

> Congés payés, primes éventuelles, fiche de paie... est-ce du salariat "classique" ?

Oui, c’est la même relation de travail qui existe entre n’importe quel employeur et salarié, avec cinq semaines de congés payés à l’année. De même, la durée du travail est la durée légale donc de 35 h. Les primes vont dépendre de ce que vous souhaitez en faire.

> Que doit contenir le contrat de travail ?

Par ailleurs, le contrat de travail est d’une importance capitale pour bien fixer les périmètres et l’organisation du travail. Par exemple, il n’est pas possible d’imposer à un médecin un quota de patient à voir par jour, ce qui contreviendrait à la déontologie des professionnels médicaux. Il n’y a pas de salariat d’exception parce que vous êtes en maison de santé, si ce n’est que le salarié, qui va accomplir des actes de santé, va devoir correspondre en tout point à la loi (diplômé d’État, inscription à l’Ordre…). En revanche, en cas d’embauche d’une secrétaire médicale, qui aura pour mission des actions relatives au projet de santé, les aspects déontologiques n’existent plus.

> Existe-t-il des MSP qui salarient des MG ?

Jérémie Pontonnier confie n'en connaître que "deux", deux médecins généralistes en Nouvelle-Aquitaine qui sont rémunérés dans le cadre d’un article 51. C’est en train de démarrer, cela se développe peu à peu, et les gens ont encore des interrogations. Nous avons un premier modèle de salariat que nous sommes en train de mettre en place pour une équipe en Auvergne-Rhône-Alpes, qui a eu des financements complémentaires pour ce salariat. Nous avons un recul de seulement deux mois. Nous sommes en phase d’expérimentation concernant les implications et les applications. Nous allons avoir d’ici deux mois les vraies premières MSP avec des médecins généralistes qui travaillent en tant que salariés et qui sont en relation avec l’Assurance maladie pour facturer des actes définis.

> Existe-t-il des modèles de contrat de travail ?

Malheureusement, les professionnels de santé ont pris l’habitude de le faire vis-à-vis de leur Ordre professionnel, ce ne sont que des modèles. Sont-ils bons ? Sont-ils performants ? Seul le temps le dira. En tant qu’avocat, nous adaptons des contrats de travail en fonction des maisons de santé et du médecin qui souhaite être recruté. Nous ne prenons pas de contrat sur internet.

> Comment définir le salaire ? Peut-on le faire par le nombre d’actes réalisés ?

Nous ne sommes pas dans un contrat de collaboration libérale, nous sommes dans une relation où il existe un lien de subordination avec un employeur et un salarié. Vous ne pouvez pas fixer un objectif. La réponse du Cnom est une position qui est ferme et définitive depuis 80 ans : on ne peut pas expliquer à un médecin comment il doit travailler et comment il doit traiter ses patients. Si vous fixez un objectif de personnes à voir en une heure ou sur la journée dans le cadre d’un salariat, cela veut dire que vous incitez le médecin à travailler d’une manière particulière, or vous ne pouvez pas le faire. Le médecin doit disposer de son libre arbitre lorsqu’il est face à son patient, c’est la déontologie médicale et c’est expliqué au travers de plusieurs articles du code la santé publique.

Si vous fixez des objectifs dans un contrat de travail, seul endroit où vous pouvez fixer des objectifs pour avoir une valeur juridique, l’Ordre des médecins ne le laissera pas passer, idem pour une infirmière. Vous ne pouvez pas définir le salaire versé sur l’activité imposée. La seule possibilité est de reverser un pourcentage des actes en plus du salaire fixe sous forme de prime de fin d’année.

> Comment faire si un non-médecin souhaite employer un assistant médical ?

Je n’arrive toujours pas à connaître la position de l’Assurance maladie à ce propos. Différentes caisses répondent différentes choses. Par exemple, la CPAM du Gard refuse que les Sisa salarient les assistants médicaux. A contrario cela est possible dans la Vienne, à condition qu'il y ait un groupement d’employeur de médecins qui se charge des assistants médicaux, au sein de la Sisa. Pour l’instant il y a une difficulté de réponse. La Cnam tente d’apporter une réponse unique et y réfléchit. Nous devrions avoir une réponse très claire à ce sujet dans les mois à venir.

> Est-il possible de créer un groupement d’employeurs exclusivement constitué de médecins ?

La réponse est oui. Est-une usine à gaz sans nom ? La réponse est également oui. Il y a ce qui figure dans les textes et les applications que cela a au quotidien. Parfois les textes sont déconnectés de la réalité du terrain.

Pour créer un groupement d’employeurs (GE) au sein de la Sisa, les médecins vont se réunir pour signer une sorte de contrat d’association. Ils vont voir l’expert-comptable qui va déclarer le GE auprès de l’Urssaf afin d’obtenir un numéro qui lui permettra de payer les assistants médicaux et de bénéficier d’un financement quasi automatique de l’Assurance maladie. C’est extrêmement lourd à gérer, surtout si la Sisa a déjà des salariés à gérer. Cela peut en revanche avoir un côté tranquillisant pour les autres associés de la Sisa qui ne sont pas concernés par les assistants médicaux (infirmière, kiné, orthophoniste…). En effet, s’il y a un problème avec l’assistant médical et qu’il faut par exemple verser des indemnités, seuls les associés du GE seront concernés.

 

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