"Nous sommes soignants, engagés dans nos territoires. Et nous le disons clairement : il faut réguler l’installation des médecins", assure une tribune signée par un collectif de soignants – principalement salariés en centres de santé et en établissements hospitaliers – et publiée vendredi 9 mai dans Le Monde. "Mais cette régulation ne peut fonctionner que si elle s’accompagne d’une stratégie cohérente qui organise et garantisse un accès aux soins et à la prévention, partout en France." Une stratégie qui se traduirait, notamment, par la création d'un "vrai service public territorial de santé", assurent les signataires dont Hélène Colombani, présidente de la Fédération nationale des centres de santé, Eric May, directeur de la santé à Malakoff et ancien vice-président de l'Union syndicale des médecins des centres de santé (USMCS*), Frédéric Villebrun, président de l'Union syndicale des professionnels des centres de santé (USPCS) ou encore Julie Chastang, médecin généraliste et maîtresse de conférences à Sorbonne Université. 

Il serait "illusoire de penser que l’on résoudra la crise de l’accès aux soins en se contentant de former davantage de médecins", estime la tribune, ajoutant que "former plus sans organiser mieux, c’est préparer un échec". De plus, sans régulation, les médecins s’installeront "majoritairement" là où les conditions d’exercice "leur semblent les plus favorables", ce qui risque de creuser davantage les inégalités territoriales.  

 

Pour les quelque 150 signataires de la tribune, la réponse en ville "ne peut plus reposer uniquement sur les seuls principes de la médecine libérale". Le modèle actuel, basé sur le libre choix d’installation des médecins et la rémunération à l’acte, "a montré ses limites", assurent-ils, notamment "une totale inefficacité à endiguer les déserts médicaux". Un modèle qui ne permet pas de "garantir une répartition équitable des professionnels", "d'assurer un accès aux soins sans dépassements d’honoraires dans tous les territoires" ou "une prise en charge coordonnée, pertinente et continue des patients"… Il faut donc, estiment-ils, "un cadre collectif, structuré, capable de répondre aux défis d’aujourd’hui et de demain". Une réponse qui se traduit par la mise en place d'un service public territorial de santé de proximité. 

En clair, il s'agit de "créer des centres de santé de service public, en priorité dans les déserts médicaux, avec des professionnels salariés, travaillant en équipe", détaille la tribune. Des centres à gestion non lucrative, pratiquant le tiers-payant et garantissant une prise en soins sans dépassement d’honoraires. Soit, "une offre de soins accessibles à tous, humaine et de qualité, partout sur le territoire".  

"La santé ne peut plus dépendre des choix individuels d’installation"

À l'instar des mesures proposées par les propositions de loi actuellement discutées, les signataires de la tribune se disent en faveur d'une régulation parce que "nous ne pouvons plus compter sur le seul volontariat des médecins". Mais préviennent-ils, "réguler n’est pas punir. Réguler, c’est organiser l’installation des professionnels là où ils sont nécessaires, pour garantir un droit fondamental : celui de se soigner"

Ainsi, "sans remettre en cause le droit à un exercice libéral", il faut dans chaque territoire "un centre de santé public en lien avec un hôpital de service public et des services publics de santé préventive tels que la santé scolaire ou la PMI", défendent-ils, parce que "la santé ne peut plus dépendre des choix individuels d’installation ou d’exercice de professionnels de santé. Elle doit faire l’objet d’une organisation fondée sur l’intérêt général, au service de tous, lisible et garantie sur tout le territoire".  

 

Ce service public territorial de santé – proposition de longue date portée notamment par la FNCS, l’USMCS, l’IJFR ou encore La Fabrique des centres de santé – vise à renforcer l’organisation des soins primaires, notamment en assurant un accès aux soins équitable, une offre de consultation de soins non programmés, de visites à domicile, un accès médico-social… D'autant qu'"aujourd’hui, le mode de rémunération n’a pas la capacité de répondre aux objectifs de soins primaires. Des soins de plus en plus aigus et chroniques", expliquait Hélène Colombani en janvier 2023.  

"Alors, oui, il est temps de réguler", insiste la tribune qui assure que pour que cela fonctionne, il faut bâtir "un système de santé qui donne sens et envie aux soignants de s’engager là où on a besoin d’eux" : "Nous, soignants et partenaires des centres de santé, y sommes prêts. À l’Etat de prendre ses responsabilités." 

NOTE
* Devenu l'Union syndicale des professionnels des centres de santé (USPCS)

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