Interview à retrouver dans "Concours pluripro", juin 2025
Vous avez dirigé l’ouvrage collectif Imaginer les soins primaires de demain, publié en janvier dernier. Pourquoi cette thématique ? Pourquoi maintenant ?
C’est une bonne question (rires). Je pense qu’une des raisons, c’est le constat que malgré le courant de pensée qui perdure depuis une vingtaine d’années avec les plaidoyers, notamment de l’OMS, sur les soins primaires, on n’y est toujours pas. Et donc interroger le pourquoi de cette situation. Parce que le constat, c’est aussi qu’on a aujourd’hui moins de soins primaires qu’il y a vingt ou trente ans, notamment si on regarde les indicateurs des investissements dans les soins primaires. Proportionnellement à la médecine spécialisée, on investit moins dans les soins primaires, par exemple. Certes, ça reste quelques indicateurs, mais si on regarde les professions médicales, la proportion de médecins généralistes a diminué par rapport à celle des spécialistes sur cette même période… Et ceci, malgré un discours de politique sanitaire qui est plutôt en faveur des soins primaires. Des initiatives naissent dans différents pays, mais on voit que, globalement, sur la gouvernance du système de santé, l’organisation des soins primaires n’est pas beaucoup plus importante aujourd’hui.
Et je pense que dans les pays occidentaux, on arrive à une sorte de point de rupture des systèmes de santé. On arrive un peu au bout d’un modèle qui était très centré sur l’hôpital, spécialisé, très curatif. Donc on doit repenser ces systèmes de santé qui deviennent fragiles, avec des socles de base qui sont souvent très hospitaliers et qui, par leur complexité et parce que ce n’est pas leur mission première, ont de plus en plus de peine à faire face à des besoins de santé élémentaires.
Vous dites dans l’ouvrage que "les soins primaires sont [aujourd’hui] fragmentés". Dans quel sens ?
À ce moment-là, je m’exprimais surtout en comparaison avec la Suisse. Mais c’est peut-être aussi le cas dans d’autres pays. Si on prend les soins primaires comme étant vraiment cette première ligne de service de soins, on a souvent des professionnels qui travaillent un peu dans leur coin et fréquemment dans les prestations à l’acte. Et c’est encore plus flagrant quand on parle de l’intégration sociale, qui souvent n’est pas sous la même gouvernance que la santé, d’un point de vue politique. Quand on a, comme socle de base, une première ligne composée d’acteurs qui ont leur propre modalité de fonctionnement, c’est tout le système qui est fragmenté.